POLITIQUE - Un nouveau désaveu pour le gouvernement. Ce dimanche 28 février pour son ultime session, la Convention citoyenne pour le climat a jugé très sévèrement la “prise en compte” de ses propositions par le gouvernement, qui n’a jamais obtenu la moyenne lors d’une série de votes sur les six grands thèmes de mesures. Plutôt embarrassant lorsqu’on se souvient que le texte devait justement être basé sur les travaux de la Convention.
La thématique “se loger” a obtenu une moyenne de 3,4 sur 10, “produire et travailler”, “se nourrir” et “se déplacer” 3,7 chacune, consommer 4 et les propositions sur la gouvernance 4,1, dans une série de votes organisés lors de la dernière session de cette convention, exercice de démocratie participative inédite en France imaginé par Emmanuel Macron.
Cet avis sévère s’ajoute aux critiques faites par les différentes instances sollicitées par l’exécutif, du Conseil national de la transition écologique (CNTE) au Conseil économique, social et environnemental (CESE) en passant le Haut Conseil pour le Climat (HCE).
“Les 150 citoyennes et citoyens ont très logiquement et très fortement sanctionné l’inaction du gouvernement et la faiblesse de son projet de loi ‘climat et résilience’”, a réagi dans un communiqué le député écologiste (ex-LREM) Matthieu Orphelin, estimant que ce revers illustrait “la déception légitime des participants”.
Sur les 150 “citoyens” initialement tirés au sort, 119 étaient inscrits pour ce vote final, lors d’une session tenue par visioconférence, crise sanitaire oblige. Peu de mesures ont obtenu la moyenne. La réforme de l’article 1er de la Constitution pour y introduire la lutte contre le changement climatique par exemple a recueilli la note de 6,1.
Mais la traduction d’autres objectifs emblématiques de la CCC a été durement jugée: “limiter les effets néfastes du transport aérien” a obtenu 2,8 de moyenne, ou l’introduction dans le droit d’un délit “d’écocide”, amoindri par rapport à la proposition de la Convention, avec une note de 2,7. “Pourquoi le président n’a pas voulu tenir compte de notre avis, je ne sais pas, la démocratie participative, c’est fait pour écouter le peuple”, a regretté Mathieu, l’un des citoyens tirés au sort.
Emmanuel Macron avait décidé de créer la CCC au sortir de la crise des Gilets jaunes, née d’une taxe carbone sur les carburants perçue comme injuste. Sa mission: proposer des mesures permettant de “diminuer d’au moins 40% (par rapport à 1990) les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans un esprit de justice sociale”.
Démarrée en octobre 2019, la CCC a remis en juin, au terme d’un calendrier bouleversé par le Covid, 149 propositions au président de la République, qui en a rejeté trois et s’était engagé à transmettre les autres “sans filtre”.
Un engagement bafoué pour de nombreux citoyens, faussant l’issue de leurs travaux. “On se retrouve avec deux projets. On portera le nôtre, le gouvernement le sien, je trouve ça dommage,” a déclaré William, qui a proposé à la signature de la CCC et du grand public un “serment pour le climat”.
Le gouvernement comptabilise 75 mesures mises en oeuvre et 71 en voie de l’être. Certaines via le plan de relance ou le budget, d’autres dans des décrets, ainsi q’une quarantaine dans le projet de loi Climat et résilience, qui sera débattu à l’Assemblée fin mars.
“Une gifle”
″Ça n’est pas surprenant, c’est quelque chose à quoi on s’attendait,” a commenté une source au ministère de la Transition écologique après cette conclusion. Sur certaines mesures, comme l’écocide, “les divergences étaient clairement assumées”, a-t-elle relevé.
Cette source a en revanche regretté qu’un bloc de 15 à 20 votes “zéro” systématiques ait rendu l’analyse précise des résultats moins facile. Un vote systématique qui a également été critiqué par certains membres de la convention. “Il y a forcément de la déception,” a conclu le réalisateur Cyril Dion, qui avait milité pour cette convention et en était un “garant”, tout en louant le “travail extraordinaire qui a été fait” par ses membres.
Une “gifle”, estime même le patron de Greenpeace France, Jean-François Julliard. Et pour le WWF, “la copie du gouvernement n’est pas au niveau”. Comme leur vote sur l’utilité et l’avenir des conventions citoyennes l’a traduit, beaucoup de citoyens ont affiché leur “fierté” d’y avoir participé. ”Ça montre que si on donne du temps et des infos aux citoyens, on est tous capable de prendre de bonnes décisions, cohérentes, solides, ambitieuses” a résumé Adeline.
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