article MEDIAPART : par christophe Gueugneau, Dan Israel et Mathilde Goanec /// Les responsables politiques, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve en tête, ont choisi de dire leur indignation devant les dégradations mineures subies par les façades de l’hôpital pour enfants Necker, lors de la dernière manifestation parisienne contre la loi sur le travail. Mais le silence est total sur un manifestant gravement blessé, sans doute par le tir d’une grenade lacrymogène.

Les bris de vitrines de l’hôpital pour enfants Necker à Paris, et plus généralement les dégradations massives d’un petit millier de manifestants sur les centaines de milliers qui ont défilé mardi à Paris, ont masqué l’essentiel : l’ampleur de la manifestation. Elles ont aussi rendu invisibles les violences policières alors que, selon nos informations, un manifestant a été sérieusement blessé après avoir été touché par un tir de grenade lacrymogène, selon plusieurs témoignages recueillis par Mediapart.

Dans son communiqué diffusé mardi soir, la préfecture de police de Paris indique que « 24 policiers ont été blessés ainsi que 17 manifestants tous en urgence relative. Un des manifestants est en cours d’opération mais son état n’inspire pas d’inquiétude majeure ». Mais selon nos propres sources, au moins 150 manifestants ont été blessés mardi, dont une quinzaine qui ont nécessité une évacuation d’urgence du cortège.

Lors d’une conférence de presse mercredi en fin de journée, le préfet Michel Cadot a cependant indiqué que 11 manifestants avaient été blessés, dont 8 admis dans des hôpitaux, soit déjà 6 de moins que la veille au soir. Sans doute conscient de ces problèmes de décompte qui se répètent à chaque manifestation, le préfet a souligné que d’autres chiffres pouvaient circuler, ses services ne prenant en compte que les informations qui remontent des pompiers ou du Samu.

Revenant sur le manifestant blessé grièvement vers 15 heures au croisement des boulevards Raspail et du Montparnasse, le préfet a indiqué qu’il n’y avait pas de « conséquences lourdes » pour cette personne. Selon nos informations, l’homme souffre d’une fracture d’une vertèbre et a nécessité une greffe de peau et une greffe de chair. Mercredi en fin d’après-midi, on ignorait s’il était toujours sous sédation.

En revanche, selon de nombreux témoignages que nous avons pu recueillir, les circonstances exactes qui ont provoqué cette blessure se sont précisées. Ainsi ce témoignage de S. – qui a souhaité rester anonyme – et qui se trouvait à proximité de l’homme au moment des faits. « Je n’ai pas vu ce qu’il a pris exactement dans le dos mais dès qu’il est tombé, j’ai vu des gens crier “À l’aide” et “Medics” [pour appeler les équipes de street medics ] », explique S. dans un message qu’il nous a envoyé.

Thibaud Le Floch, journaliste qui couvrait la manifestation pour LCP, la chaîne parlementaire, témoigne : « J’étais peut-être à trois mètres de lui, un homme massif habillé tout en noir. J’ai vu un objet tomber du ciel et se coincer dans son dos, entre sa tête et son sac à dos. Immédiatement, il a explosé et un gros nuage de fumée s’est dégagé. L’homme s’est tout de suite effondré, face contre terre, sans faire un geste des bras pour se retenir. » « L’objet qui a explosé est une bonbonne grise, qui est arrivée par au-dessus », explique encore le journaliste. Le journaliste a filmé les instants qui ont immédiatement suivi l’explosion, et a bien voulu confier ces images à Mediapart

Jointe par téléphone, C. – qui elle aussi n’a pas voulu que son nom apparaisse – est plus précise. « Il y avait des affrontements qui venaient tout juste d’avoir lieu. On voulait rejoindre le groupe de manifestants qui se trouvaient à l’avant pour ne pas voir la manifestation séparée en deux, donc on était en train de courir. Je me suis retournée quand j’ai entendu un bruit. Le mec qui était juste derrière moi s’est effondré avec un bruit épouvantable, un “pschiiiiit”. Il avait un truc fiché dans le dos, entre la colonne et l’omoplate, qui faisait énormément de fumée. Quelqu’un lui a enlevé et il y avait un trou béant dans son dos, son t-shirt avait brûlé. »

Sur la nature de l’objet incendiaire qui a provoqué la blessure, le préfet Cadot a déclaré lors de sa conférence de presse qu’il ne pouvait pas « qualifier » le projectile qui a « touché la colonne vertébrale sans atteindre la moelle épinière ». Mais selon quasiment tous les témoins que nous avons interrogés, il ne fait pas de doute qu’il s’agit bien d’une grenade lacrymogène, envoyée donc par les forces de l’ordre qui se trouvaient non loin de là. Un des street medics qui a pris en charge le blessé en est certain, une ogive grise ayant été trouvée sur place. Notre témoin C. aussi, de même qu’un photographe qui se trouvait sur les lieux et qui a témoigné dès mardi soir sur le site de L’Obs

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