Comment les académies se préparent au déconfinement ? L’exemple de Bordeaux
Face à la presse le 16 avril 2020, la rectrice de Bordeaux, Anne Bisagni-Faure, s’est dite « sereine » en vue de la reprise progressive des classes le 11 mai. Elle consulte les acteurs (personnels, parents, collectivités) pour évaluer les besoins et tenir les « deux piliers » de cette rentrée : sécurité sanitaire et accompagnement des élèves fragiles. Les corps d’inspection s’activent pour tirer les leçons pédagogiques du travail à distance du mois écoulé ; les EPLE se préparent matériellement et les enseignants naviguent entre impatience et inquiétude. Tous attendent les arbitrages nationaux.
C’était le premier point presse de la rectrice de Bordeaux depuis le début du confinement et il était très attendu dans la perspective de la réouverture progressive des écoles et des établissements scolaires. Mais Anne Bisagni-Faure n’a pas pu donner beaucoup de précisions sur les modalités de ce retour en classe qui ne sera de toute façon « pas un temps ordinaire », a-t-elle dit.
CONSULTER MAIS SANS ÉCHAFAUDER TOUS LES POSSIBLES
Comme le ministre Jean-Michel Blanquer, la rectrice a commencé une série de consultations, mais à l’échelle de son académie : chefs d’établissements mercredi, organisations syndicales enseignantes jeudi, CHSCT académique et conseil régional de Nouvelle-Aquitaine vendredi, puis viendra la semaine prochaine le tour des parents d’élèves, des représentants des lycéens… Pour le premier degré, ce sont toutefois les Dasen qui vont « être beaucoup plus à la manœuvre avec les communes », dit-elle.
À travers ces échanges avec les différents acteurs, il s’agit davantage de lister les préoccupations et les propositions du terrain – et les faire remonter ensuite au ministère – plutôt que d’échafauder tous les possibles, répond Anne Bisagni-Faure à la presse le 16 avril 2020. Avec deux enjeux en tête : « la sécurité sanitaire et l’accompagnement des élèves en difficultés ».
LES ÉLÈVES DES LP, UN DES PUBLICS PRIORITAIRES
La rectrice a cité deux priorités plus particulièrement dans son viseur : « l’acquisition des fondamentaux dans le premier degré » et les élèves des lycées professionnels, qui ont été « moins assidus » ou plus volatils lors des sessions d’enseignement à distance proposées pendant le confinement.
À ce stade, Anne Bisagni-Faure ne peut s’avancer sur des scénarios de reprise. Elle attend les consignes des autorités sanitaires sur la question de la distanciation sociale ou le port des masques par exemple, rappelant au passage que « l’hygiène des locaux constitue aussi un point important ». Le travail « dans le dur » pour structurer cette rentrée particulière s’effectuera lors de la semaine du 4 mai, une fois connus également les arbitrages nationaux sur le volet pédagogique, assure Anne Bisagni-Faure.
FAIRE DE LA SEMAINE DU 4 MAI « UNE SEMAINE UTILE »
« Nous n’avons pas de scénarios construits de reprise pour l’instant. Les consignes arriveront d’ici 8 à 10 jours », répond à AEF info Nicolas Bonnet, secrétaire du SNPDEN-Unsa en Gironde. Toutefois les collèges et lycées commencent tous à « anticiper pour que la semaine du 4 mai soit une semaine utile ». Ils se préparent matériellement en nettoyant les locaux, en passant commandes pour le restaurant scolaire et en achetant savon et gel hydroalcoolique, dit le principal. À défaut de pouvoir envisager des organisations pédagogiques. « Je ne sais pas sur quels critères faire un tri entre mes élèves pour un accueil en petits groupes », avoue Nicolas Bonnet.
En fonction du caractère rural ou urbain, qui a des conséquences sur les déplacements, de la taille de l’établissement, des effectifs par classe (plus de 30 élèves en collège et plus de 36 à 37 élèves en lycée dans l’agglomération bordelaise), de la configuration des locaux, chaque EPLE devra, en outre, jongler avec des contraintes spécifiques, dit le chef établissement. Mais dans son collège, il note que les professeurs sont plutôt « impatients de retrouver leurs élèves. Ce qu’ils apprécient dans leur métier, c’est ce contact direct, comme moi ». Donc disposer d’une date de reprise est « vécu comme positif ». Nicolas Bonnet a toutefois conseillé à ses équipes de profiter des vacances scolaires (qui débutent ce vendredi soir pour l’académie de Bordeaux) « pour se déconnecter ».
UN GUIDE DE CONTINUITÉ PÉDAGOGIQUE ET UN POUR ÉVALUER LES ÉLÈVES
La rectrice Anne Bisagni-Faure se veut confiante : « je suis sereine, nous saurons nous adapter ». « Toutes les conditions d’exercice des personnels vont être prises en compte », y compris celles des AESH par exemple, qui sont amenés à avoir un contact normalement plus proche avec l’élève handicapé qu’ils accompagnent, promet-elle encore.
Les corps d’inspection sont aussi au travail : « quelles que soient les conditions de ce retour en classe, il y aura un guide pour la reprise comme il y a eu un guide de continuité pédagogique et un guide pour évaluer les élèves à distance », assure Anne Bisagni-Faure. Parmi quelques sujets prévisibles des fiches d’appui qui seront fournies aux équipes pédagogiques : qu’est-ce que revenir en classe ? quel impact psychologique du confinement ? Comment se remotiver ?
TIRER PROFIT DE L’ENSEIGNEMENT EN TEMPS CONFINÉ
IA-IPR et IEN du premier degré ont aussi pour mission de synthétiser « les retours d’expériences » de ces cinq semaines de continuité pédagogique. Que ce soit en matière de différenciation des enseignements mais aussi d’évaluation, qui a pu être plus formative. Les IA-IPR ont en effet plutôt orienté les professeurs du secondaire ces dernières semaines vers une posture où « l’élève repère les compétences qu’il acquiert » au fur et à mesure des apprentissages et s’auto-évalue. Un diagnostic qui va nourrir l’après 11 mai, espère la rectrice.
QUID DES MASQUES ?
Avant même la reprise du 11 mai, la question de l’équipement en masques des enseignants, qui sont restés actifs dans certaines écoles, inquiète le Snuipp-FSU et Snudi-FO. En Gironde, les membres FO du CHSCT départemental ont adressé une alerte au Dasen, François Coux, à propos de la protection sanitaire individuelle fournie aux personnels volontaires dans l’accueil d’enfants de soignants. Le syndicat note que dans des circonscriptions, des IEN ont demandé que ces enseignants portent un masque. Mais ce n’est pas le cas partout.
Le Snuipp Gironde estime que « gestes barrières et conduite à tenir en présence d’un cas suspecté, ne sont ni suffisants ni adaptés aux situations de travail des personnels volontaires » dans ces centres d’accueil. Il incite, sur son site, les enseignants à interpeller le Dasen, et pour ceux qui se retrouveraient infectés par le coronavirus, à déclarer un accident de service.
À l’échelle de l’académie de Bordeaux, 1 500 enfants de personnels prioritaires (soignants, forces de l’ordre, agents de l’ASE) sont accueillis dans les écoles, a indiqué la rectrice jeudi. Concernant la disponibilité de masques et de gel hydroalcoolique dans les écoles et établissements scolaires à partir du 11 mars, Anne Bisagni-Faure répond que le sujet est à l’étude.
« À l’heure actuelle, il n’y a pas assez de masques pour tous les personnels », commente Nicolas Bonnet, du SNPDEN-Unsa Gironde. Dans son collège, il ne dispose d’un stock que pour les ATTEE – stock acquis sur le budget propre de l’établissement. Le principal a du mal à imaginer comment faire cours en portant un masque tout en se faisant bien comprendre des élèves. « Nous attendons les consignes pour savoir ce qui est faisable ou pas sur le plan sanitaire », dit-il.