Courrier d’enseignant du collège Jean Jaures de Cenon à Mme La Rectrice et Mme la Préfète
Hommage à Samuel Paty, HESH, protocole sanitaire… l’école en marche ou crève…
Madame la Rectrice de l’Académie de Bordeaux,
Madame la Préfète de Nouvelle Aquitaine,
Nous ne pouvions pas ne pas profiter de votre visite « sur le terrain » (c’est comme ç a qu’on dit, là- haut, n’est-ce pas ?) pour vous en parler, de ce terrain, celui-là, le nôtre, celui de nos élèves ; celui de professeurs, d’agents, d’AESH, de personnels administratifs qui essaient depuis des années de se faire entendre.
Samuel, un professeur, un collègue est décapité. La communauté éducative est sidérée. Mais, Sam, ne nous en veut pas, on prend quelques minutes, on va parler, quelques minutes seulement avant.
On va parler Sam, pour nous tous. Tu comprends.
Alors que l’éducation nationale s’affirme comme défenseur de la liberté d’expression, cette parole qu’on ne nous donne pas, aujourd’hui, Mesdames, nous la prenons et nous vous demandons solennellement d’écouter ce que nous avons à dire.
Nous tenterons d’être aussi précis et efficaces que le tracé d’un dessin mais ne caricaturerons rien.
- D’abord, nous vous souhaitons la bienvenue mesdames dans notre collège en devenir. Certains collègues travaillent dans des conditions inacceptables pour eux et pour nos élèves : espaces réduits, anciens logements de fonction transformés en salles de classe temporaires, bruit de chantier qui ne permet pas de faire cours en C109.
- Notre collège en devenir, toujours, n’avait pas d’alarme intrusion efficace le 15 octobre 2020, la veille de la décapitation de notre collègue.
- Dans notre collège en devenir nous avons plusieurs dispositifs inclusifs : nous vous demandons de vous souvenir du salaire et du statut des AESH… Ces personnels qui incarnent la priorité au handicap martelée par le gouvernement.
- Sortons de notre collège en devenir pour observer notre Ecole en marche (ou crève). Les organisations syndicales et l’institution avaient conjointement convenu d’un temps de parole, d’échange et de concertation avant l’arrivée des élèves pour préparer l’hommage et plus simplement pour s’exprimer librement dans un contexte anxiogène. Le ministre a balayé cet accord, nous l’avons appris pendant le week-end via la presse, ou via les réseaux sociaux… Notre Ecole en marche ou crève est celle de la précarisation et de la déconsidération de ses personnels.
- Nous voyons aussi la gestion du COVID par les services ministériels. Nous demandons autre chose. Quelque chose de plus sérieux comme la mise à disposition des masque FFP2, le dépistage des personnels et des élèves, le recrutement de médecins de prévention en nombre suffisant, la reconnaissance de la COVID 19 comme maladie professionnelle, l’abrogation du jour de carence…Après, promis, nous ouvrirons les fenêtres pour prendre l’air et voir s’envoler le protocole sanitaire renforcé.
- Enfin, nous vous épargnons aujourd’hui le chapitre sur le grenelle des professeurs mais nous assistons à une casse en règle du service public, de notre mé ti er, de la possibilité de faire bien notre métier. Heureusement, maintenant que notre Ecole en marche ou crève se souvient de la liberté d’expression, nous ne serons pas criminalisés pour défendre ce qui nous est cher : un enseignement de qualité, des épreuves de baccalauréat qui ont du sens, une retraite qui ne ressemble pas à une obole.
Merci Sam, de nous avoir donné quelques minutes.
Nous allons lutter contre l’obscurantisme, le fanatisme, pour la laïcité, et les valeurs républicaines évidemment car nous sommes convaincus de la nécessité de le faire.
Nous le faisons chaque jour. Mais nous lutterons aussi contre les maltraitances de l’institution, qui, elles, ont tué Christine, notre collègue professeur des écoles.
Bien à vous,
Des personnels du collège Jean Jaurès