Madame Elisabeth BORNE
Première ministre

Monsieur Pap NDIAYE
Ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse

Les Lilas le 12 avril 2023

Madame la Première ministre,
Monsieur le Ministre de l’Education nationale,

Nous nous adressons à vous solennellement au sujet de la revalorisation des
personnels enseignants, CPE et Psy-EN discutée actuellement au ministère.

La crise de recrutement de personnels enseignants s’enracine comme le montrent les
chiffres d’inscrit·es aux concours sur ces dernières sessions. Pour 2023, en dépit d’un
prolongement de la période d’inscription, le nombre d’inscrit·es aux concours du
second degré est en baisse de 18,5% et de 13,7% pour le concours du premier degré
par rapport à 2021, dernière session représentative.

Par ailleurs, le nombre de ruptures conventionnelles a été multiplié par 5 en un an,
passant de 296 en 2020 à 1 600 en 2021 selon le rapport annuel de la Fonction
publique. Les démissions continuent d’augmenter. Ces données démontrent
indéniablement une perte d’attractivité du métier qui pourrait s’avérer très
problématique pour le service public d’Education dès la prochaine rentrée mais aussi
à moyen terme.

Les réponses du gouvernement ne sont pas à la hauteur, et par certains aspects
relèvent de la provocation. Après être revenus sur la promesse du candidat Emmanuel
Macron qui s’était engagé à augmenter de 10 % sans contreparties toutes et tous les
enseignant·es en janvier 2023, vous prévoyez des mesures salariales inacceptables.
L’enveloppe prévue pour la partie socle est insuffisante et ne permet pas de rattraper
les pertes de 15 à 25 % de pouvoir d’achat de ces dernières années. Dans le contexte
alarmant d’inflation installée, votre choix politique est loin de compenser un pouvoir
d’achat en berne pour tous les personnels.

L’enveloppe allouée pour la partie socle doit être augmentée en conséquence et
s’inscrire dans une logique pluriannuelle claire.

Quant au pacte, nous réfutons le terme de revalorisation pour cet instrument qui ne
répond en rien aux attentes des collègues. Loin de contribuer à la revalorisation
attendue par toutes et tous, il va conduire à un alourdissement de la charge de travail
des personnels, alors qu’une enquête de la DEPP a fait la lumière sur la réalité du
temps de travail des enseignantes et enseignants (la moitié travaille plus de 43h par
semaine) et que des chiffres de l’observatoire du bien-être confirment les conditions
de travail difficiles pour la profession : la moitié des personnels est en état
d’épuisement avancé. Dans le contexte de négociation des nouveaux plans d’action
Egalité professionnelle dans notre ministère, où la demande sociale est forte, le pacte
porte le risque avéré d’aggraver les inégalités femmes/hommes.

Enfin, le pacte va considérablement dégrader le fonctionnement des écoles et des
EPLE et fragiliser les collectifs de travail par une mise en concurrence des personnels.
Le pacte se révèle être un outil qui fait primer des impératifs politiques sur toute autre
considération en étant l’appui de la mise en place de réformes qui ne sont même pas
encore concrétisées, comme au collège ou dans la voie professionnelle. Nos
organisations refusent le Pacte et réclament dans l’immédiat le basculement de
l’enveloppe du pacte dans celle prévue pour le Socle.

Les personnels de l’Education nationale sont très mobilisé·es contre le projet de
réformes des retraites en pointant notamment l’injonction à travailler plus longtemps
avec des salaires insuffisants et dans des conditions difficiles. Toutes nos
organisations syndicales ont signifié leur désaccord avec la logique du pacte dans le
cadre des discussions avec le ministère de l’Education nationale, notamment en
quittant la réunion du 6 mars. Nous exigeons que le gouvernement en tire les
conclusions qui s’imposent.

Madame la première ministre, Monsieur le ministre, l’Education nationale s’enfonce
dans une crise sans précédent et vos réponses ne sont pas à la hauteur. Elles
contribuent à nourrir une forme de colère et d’amertume chez nos collègues qui va
laisser des traces profondes et durables dont vous porterez la responsabilité.

Tous les signaux montrent l’urgence d’une revalorisation salariale pour tous les
personnels de l’Education nationale, dont certain·es comme les AESH vivent même
sous le seuil de pauvreté.
L’agenda social du ministère prévoit certes des concertations pour quasi toutes les
catégories de personnels, mais il y a des incertitudes majeures sur la capacité de l’État
employeur à améliorer clairement la rémunération de certains personnels comme les
assistant·es de service social, les infirmiers·ères et les ITRF. Les attentes des
personnels sont fortes, les besoins du système éducatif ne le sont pas moins. Notre
Ecole ne peut assurer ses missions dans de bonnes conditions en manquant toujours
autant de personnels d’enseignement et de vie scolaire, de PsyEN, de personnels
administratifs et ITRF, de personnels sociaux et de santé, d’AESH et d’AED. Elle ne
peut fonctionner correctement avec autant de personnels, quel que soit leur métier,
qui constatent le manque de reconnaissance financière de leur travail, le manque de
considération pour leur engagement professionnel au service de la réussite des
élèves.

Nous réaffirmons, ensemble, notre revendication d’une revalorisation ambitieuse et
sans contreparties pour tous les personnels, qui doit s’appuyer sur un plan de
financement pluriannuel.

Madame la première ministre, monsieur le Ministre de l’Education Nationale, nous
vous demandons de vous saisir de ces enjeux importants qui conditionnent l’avenir de
notre Pays au travers des personnels de l’éducation et de prendre les mesures à la
hauteur.

Nous vous prions de croire, Madame la première ministre, Monsieur le ministre, en
l’expression de nos salutations respectueuses.