Madame La Première Ministre,

Vous l’aurez compris, nous sommes porteurs aujourd’hui, comme l’ensemble des membres de l’intersyndicale qui se sont exprimés avant la FSU, de l’expression de millions de grévistes et manifestant·es, soutenu·es massivement par la population, qui, depuis près de 3 mois maintenant, contestent la réforme des retraites et disent leur profonde colère face à l’injustice qu’elle représente.

Et parmi ceux-ci, les femmes sont les premières touchées car ceci ajoute à toutes les inégalités déjà subies ! C’est une grave contradiction d’avec la parole publique portée par le Président de la République dans un temps pas si ancien. Pardonnez cette première remarque un peu solennelle.

Nous vous le redisons donc à la suite des autres organisations syndicales, maintenir cette réforme des retraites est déraisonnable dans la situation sociale du pays et dans le rapport de défiance qui s’instille envers celles et ceux qui sont attaché·es à son modèle républicain. Déraisonnable car cette réforme est aujourd’hui, que vous le vouliez ou non, la matérialisation, le condensé, le précipité au sens chimique du terme de tout ce qui provoque le profond ressentiment de mépris qui se répand dans le monde du travail.

Prétendre ajouter deux années, voire plus, d’un travail qui s’est lui-même intensifié, qui est très souvent jugé comme pas ou peu reconnu, c’est exprimer une intention, réelle ou supposée, d’user les gens jusqu’à la corde, leur enlever toujours plus de droits, leur enlever des années de vie en bonne santé et des années de vie tout court. Vous savez que c’est la compréhension du sens de votre réforme à une échelle très large.

C’est donc d’autant plus déraisonnable que le Président de la République affiche d’un côté une volonté politique de « remettre la valeur travail au centre de la société » alors même qu’en portant cette réforme, il affiche des actes exactement à l’inverse de la valorisation du travail en en faisant baisser le prétendu coût. La reconnaissance n’est pas un coût, précisément ! C’est l’inverse… Au final, ceci aboutit à une politique comprise comme méprisant la réalité du travail car il devrait ouvrir finalement de moins en moins de droits.

Vous marchandisez un peu plus le travail pour envoyer des signes aux marchés financiers, voilà la vraie raison de cette réforme, ce qui a d’ailleurs été avoué à demi-mots par le Président de la République sans être véritablement assumé.

Il est donc déraisonnable de maintenir cette réforme car elle ne serait utile qu’à cela, rassurer les marchés financiers. Et d’ailleurs, ce n’est même pas certain car le dumping social n’a jamais de limite… Elle n’est donc pas une réforme d’intérêt général.

Nous avons fait la démonstration, lors des concertations au cours desquelles vous nous avez écouté mais pas entendu, que d’autres financements étaient possibles. À rebours de cette réforme, il faudrait en particulier engager une politique qui reconnaisse le travail, qui s’attaque aussi aux profondes injustices, comme les inégalités persistantes entre les femmes et les hommes, ce qui passe par une revalorisation des salaires, et puisque la FSU est une fédération de la Fonction publique, nous voulons dénoncer à nouveau l’absence de revalorisation du point d’indice à hauteur de l’inflation, vous préférez à cela une politique indemnitaire particulièrement inadaptée et toujours orientée pour rémunérer moins la réalité du travail réalisé par les personnels.

Une revalorisation générale des salaires créerait une source de financement supplémentaire pour le système de retraites. Vive la cotisation ! Pourrions-nous dire pour résumer.

Enfin, nous dirons en un mot que le Président de la République, dans son allocution télévisée, a ouvert d’autres sujets et a en particulier rappelé qu’il souhaitait faire la réforme du lycée professionnel. Là aussi ce serait déraisonnable car il s’agirait de dévaloriser la formation et la qualification des futur·es travailleuses et travailleurs et leur reconnaissance, et donc de déqualifier l’emploi. La FSU y voit une cohérence avec cette réforme des retraites, et sur ce sujet aussi une intersyndicale très large a montré son opposition à cette réforme de la voie professionnelle.

Et dans la période, nous voulons vous le dire solennellement, au-delà de la déraison de la réforme des retraites, il est ou serait de pure folie de jouer le pourrissement et de faire monter la « peur du désordre », usant et abusant de la répression, y compris à l’encontre de militant·es syndicales et syndicaux.

Maintenir une réforme rejetée par l’ensemble des organisations syndicales et par une écrasante majorité de la population, au risque de maltraiter davantage le monde du travail, de maltraiter davantage la démocratie sociale et au final la démocratie tout court, relève d’une maltraitance faite à la République telle qu’elle s’est instaurée dans notre pays. Vous auriez alors une responsabilité immense dans la montée des tensions, dans le rejet du politique, et donc aussi dans la montée de l’extrême droite.

Nous attendons, Madame la Première Ministre, de discuter du retrait de cette réforme des retraites !