Lettre de la FSU au Président de la République : les valeurs défendues par notre pays, l’exigence de vivre dans le respect des droits de l’Homme, doivent nous conduire à être exemplaire en la matière.

A Monsieur François HOLLANDE
Président de la République
Palais de l’Elysée
55 rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris

Les Lilas le 15 avril 2016

Monsieur le Président de la République,
La Fédération syndicale unitaire souhaite exprimer son inquiétude quant à la manière dont est traitée actuellement la question des réfugié-es provenant de zones en guerre et des migrant-es, et plus particulièrement la prise en charge éducative des enfants.
L’Europe peut faire face à l’urgence de la situation avec l’arrivée d’un million de réfugié-es ; cela représente à peine 0,2 % de sa population. Pour cela, elle doit mettre en place une coordination pérenne et renforcée de moyens humains, matériels et financiers permettant de porter secours et assistance aux populations.

Mais le récent accord signé entre l’Union européenne et la Turquie n’est à nos yeux pas acceptable. Il ne prend pas en compte la situation des autres pays de la région qui ne vont bénéficier d’aucun soutien d’ampleur, alors que certains d’entre eux accueillent des réfugié-es au moins à la même hauteur que la Turquie. Il ne garantit en aucun cas pour les réfugié-es une prise en charge digne.

A Calais, la destruction de la « jungle sud » est un exemple criant du manque de volonté dans notre pays de répondre correctement à la situation des migrant-es. Les politiques mises en œuvre le sont à court terme et négligent alors l’essentiel des réels besoins en termes de soins, santé, éducation, étude, travail, logement… Pour la FSU, les enfants et les jeunes doivent être pris en charge et scolarisés, car il en va de leur avenir, et de celui de leur pays d’origine. L’École laïque « du Chemin des Dunes » structure créée et portée par des réfugié-es et des bénévoles, soutenue par « Solidarité Laïque » et ses membres, dont la FSU, tente de pallier l’absence de toute proposition faite aux familles pour scolariser les enfants et, à notre connaissance, il est seulement prévu la création de 2 postes UP2A au centre Jules ferry pour la rentrée 2016.

L’évacuation même des réfugié-es ne règle aucun problème : ils se retrouvent à la rue, isolés ou éparpillés sur les zones côtières ou dans les grandes villes, créant des squats qui ne leur apportent aucune sécurité. D’autre part, 150 mineurs isolés étrangers à Calais pourraient prétendre à un regroupement familial en Grande-Bretagne, 200 autres pourraient être accueillis en France. C’est actuellement la justice qui souligne les manquements de l’État sur ce dossier. Alors qu’Europol annonce avoir perdu la trace de près de 10 000 mineurs sur les 18 à 20 derniers mois, que certains d’entre eux seraient, selon les déclarations du directeur général de France Terre d’Asile, Pierre Henry, « sous le joug de réseaux de prostitution ou de travail domestique », les services de l’État utilisent les tests osseux pour vérifier la minorité des enfants, tests pourtant dénoncés par le Comité consultatif national d’éthique, l’Académie nationale de médecine, le Haut conseil de la santé publique, le Défenseur des Droits et le Comité des Droits de l’enfant de l’ONU. La FSU dénonce ces pratiques.

Enfin, le projet de loi relatif au droit des étrangers en France adopté le 18 février dernier par l’Assemblée nationale, après plus de dix ans de durcissement continu du droit des étrangers, pouvait donner l’occasion de revenir sur ces dispositifs tant décriés pour restaurer les droits des personnes étrangères. Or certaines mesures vont en sens inverse : enfermement des enfants en centre de rétention légalisé dans certaines situations, bannissement des personnes expulsées, possibilités d’accès à la justice restreintes, interpellations à domicile rendues possibles. Pour les malades étrangers, la mise à l’écart du ministère de la santé est officialisée : ce sont des médecins travaillant pour une agence du ministère de l’intérieur qui évalueront la nécessité de prise en charge médicale.

Il est urgent de tout mettre en œuvre pour protéger les jeunes réfugié-es et migrant-es.
Les valeurs défendues par notre pays, l’exigence de vivre dans le respect des droits de l’Homme, doivent nous conduire à être exemplaire en la matière. C’est en ce sens que nous vous demandons d’agir, Monsieur le Président, afin d’accueillir les migrant-es et les réfugié-es dans des conditions dignes, et d’intervenir pour que les textes relatifs aux droits des Enfants, notamment en termes d’éducation et de soins, soient respectés par la France.

Nous vous demandons également de défendre auprès des gouvernements européens l’exigence qu’ils assument leurs responsabilités. Ce devoir de solidarité doit s’imposer à l’ensemble de l’Union européenne. Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de mes salutations respectueuses.

Bernadette Groison Secrétaire Générale