Dans son 21ème rapport annuel sur le mal-logement en France, dévoilé ce jeudi 28 janvier 2016, la fondation Abbé Pierre alerte, notamment, sur le décrochage des personnes en situation d’extrême pauvreté, contraints de choisir entre se loger, se nourrir ou se soigner.

Publié le 28/01/2016 • Par Sophie Le Gall • dans : A la une, France

A un et demi de la fin du quinquennat, le 21ème rapport annuel sur le mal-logement de la fondation Abbé Pierre sonne comme un compte à rebours. « Il faut mettre à l’abri tous ceux qui sont en difficulté et il faut engager une véritable politique structurelle pour enrayer ce processus d’exclusion par le logement », a déclaré Christophe Robert, délégué général de la fondation, à l’occasion de la publication du rapport, remis mercredi 27 janvier au président de la République.

Décrochage des plus précaires
Le bilan chiffré – 3,8 millions de mal-logés en France et plus de 15 millions touchées par la crise du logement – alerte en particulier sur la situation des plus pauvres. « Il y a une aggravation du mal-logement qui touche avant tout les classes populaires », insiste Christophe Robert. Ainsi, le taux d’effort net moyen (le loyer et les charges, auxquels on soustrait les allocations logement) des ménages les plus pauvres atteint 55,9 %, soit plus de trois fois plus que la moyenne des Français (17,5 %). Il est deux fois élevé pour l’ensemble des ménages modestes. Dans le même temps, l’extrême pauvreté, c’est-à-dire les personnes touchant moins de 660 euros par mois et par personne, qui avait diminué entre 1996 et 2002, est repartie à la hausse. Logiquement, les impayés se concentrent sur ces mêmes catégories.

Peur de la rétrogradation
Pesant toujours plus lourdement sur le budget des Français, le logement est devenu un accélérateur du basculement vers la précarité. Un danger qui se traduit par la peur de la « rétrogradation », voire « de la colère, colère qui s’est récemment exprimée dans les urnes », comme le note le délégué général de la fondation. Le rapport en conclut que « les politiques publiques ne font pas de la lutte contre les inégalités un objectif central », alors que « la redistribution des richesses constitue un levier efficace, comme le montre l’impact de la politique fiscale entre 2012 et 2014 qui a contribué même modestement à la réduction des inégalités ».

Conséquences en chaîne
Ce 21ème rapport consacre un chapitre entier à l’impact du mal-logement sur la santé. « Les problèmes de logement et de santé s’alimentent mutuellement (…) entraînant les personnes dans une spirale d’exclusion », affirment les auteurs du rapport, qui détaillent des situations de saturnisme, d’isolement social ou encore de maladies mentales et de handicaps aggravés par le logement temporaire.

Par ailleurs, il rappelle que différentes études, notamment le rapport 2014 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ZUS), ont démontré que le fait de résider dans des ZUS – toute chose égale par ailleurs – la probabilité de se déclarer en mauvaise santé. Par exemple, le risque d’obésité est 2,3 fois supérieur. Mais si les problèmes de santé et de logement s’alimentent mutuellement, ils dépendent de politiques et de dispositifs totalement dissociés sur le terrain. « La politique d’expulsion des bidonvilles vient aggraver la santé, déjà très précaire, des personnes qui s’y abritent », souligne ainsi Manuel Domergue, directeur des études à la fondation Abbé Pierre.

Soixante-deux ans après l’appel historique de son fondateur en faveur des sans-abri, la fondation Abbé Pierre exhorte, une nouvelle fois, les pouvoirs publics à agir, en particulier en construisant des logements sociaux réellement accessibles aux ménages les plus modestes, et en mettant en place, quand cela est nécessaire, un accompagnement durable à l’entrée dans le logement afin d’assurer le succès de la démarche.


FOCUS

Sans-abrisme : le cruel écart entre « le souhaitable » et « le réalisé »
Les assises de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), qui se sont tenues les 26 et 27 janvier 2016 (Paris), centrées sur le sans-abrisme, parviennent au même constat que la fondation Abbé Pierre : il y a urgence.

Face à Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale, qui a dressé un bilan « dont le gouvernement n’a pas à rougir », en matière de mise à l’abri – 10 000 places d’hébergement d’urgence crées depuis 2012 -, les responsables d’associations et agents territoriaux de départements ont fait état d’une autre réalité, « où on est loin du compte ». Selon l’Insee, la France comptait, en 2013, 140 000 sans domicile (dont 30 000 enfants), et 500 morts par an, au minimum, à la rue.

Actuellement, des publics, dont le public jeune, ne tentent même plus de faire appel aux services d’urgences, les sachant débordés. La Fnars ( 870 associations) fait une série de 39 propositions, rassemblées dans le nouveau Pacte pour l’accès au logement des sans-abri, à l’Etat et aux collectivités locales, notamment, de toujours donner la priorité à l’accès au logement stable, de renforcer le droit à l’accompagnement et de prévenir les expulsions locatives le plus en amont possible.

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