Ce projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiant.e.s instaure et généralise la sélection à l’entrée en première année de Licence. S’il maintient le principe suivant lequel « le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat », il supprime la phrase suivante : « Tout candidat est libre de s’inscrire dans l’établissement de son choix etc. ».

SÉLECTION, QUELLE SÉLECTION ?

En lieu et place de cette liberté d’inscription, il se propose d’instaurer quatre cas de figure.

1) Les effectifs dépassent les capacités d’accueil. Selon le projet, « les inscriptions sont prononcées par le président ou directeur de l’établissement dans la limite des capacités d’accueil, au regard de la cohérence entre, d’une part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation et ses compétences, d’autre part, les caractéristiques de la formation ».

2) Lorsque tel n’est pas le cas, le dossier de chaque lycéen et chaque lycéenne sera examiné. À la suite de cet examen de candidature, le futur étudiant et la future étudiante pourront se voir imposer, comme condition à leur inscription, l’inscription à « des dispositifs d’accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé proposés par l’établissement ».

3) Après examen de sa candidature, l’étudiant ou l’étudiante est admis.e en L1, sans avoir à participer au moindre dispositif d’accompagnement pédagogique.

4) Si aucun des vœux (au maximum dix, sans ordre de préférence) n’est satisfait, parce que « le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat », il reviendrait au recteur de l’académie de proposer « aux candidats domiciliés dans la région académique […] une inscription dans une formation en tenant compte, d’une part, des caractéristiques de cette dernière et, d’autre part, des acquis de leur formation et de leurs compétences », après un « dialogue » et « avec l’accord de l’intéressé ».

SÉLECTION : QUAND, COMMENT ?

Les demandes d’inscription seront déposées et examinées avant le baccalauréat. C’est donc sur la base du premier et peut-être du deuxième trimestre de l’année de Terminale que les lycéens et les lycéennes seront sélectionné.e.s. Au-delà des notes et des avis d’enseignant.e.s qui ne connaissent pas nécessairement les formations universitaires, n’est-ce pas alors l’établissement qui va devenir un critère de sélection ? Un « 12 » dans un grand lycée bordelais vaudra-t-il autant qu’un « 12 » dans un lycée de banlieue ? L’orientation d’un adolescent ou d’une adolescente peut-elle dépendre d’un ou de deux trimestres de Terminale, et donc du seul contrôle continu ? À quoi servira le baccalauréat si tout est joué d’avance ?

SÉLECTION : QUI ?

L’expérience des capacités d’accueil en master 1 l’a montré, ce type de sélection entraîne une inflation des candidatures pour ne pas se retrouver sans aucune inscription à la rentrée.  Qui va donc recevoir les dossiers, lire les lettres de motivation, les relevés de notes, les fiches Avenir remplies par le lycée au 2 ème trimestre, envoyer les réponses, constituer des listes complémentaires, modifier au fil de l’eau les listes principales en raison du choix effectuées par celles et ceux qui seront pris dans plusieurs formations ?  Qui va accomplir toutes ces tâches entre avril et mai 2018 ?  Et qui prendra la responsabilité de décider de l’avenir d’un bachelier ou d’une bachelière de 18 ans à sa place et lui expliquera que, pour son bien, il ou elle doit intégrer une formation qui ne l’intéresse pas ?

SÉLECTION OU ORIENTATION PAR L’ÉCHEC ?

Le projet de loi initialement présenté au CNESER lundi 13 novembre a été modifié le 22 novembre lors de la présentation en conseil des ministres. Une modification en particulier témoigne de l’intention du législateur. Dans la version initiale, le recteur inscrivait celles et ceux qui n’avaient pas de réponse favorable dans une formation « du premier cycle ». Dans la nouvelle version, il est question de formation tout court (BTS, IUT, etc.). Sous prétexte d’améliorer la réussite, le gouvernement organise donc une orientation par l’échec et un remplissage forcé.

L’instauration et la généralisation de la sélection va transformer tout le système universitaire. Il affectera donc certes tous les étudiants et toutes les étudiantes mais aussi l’ensemble des personnels, enseignant.e.s et BIATS. Les informations qui suivent proviennent notamment d’une réunion tenue au ministère le 16 novembre.

L’OFFRE DE FORMATION

L’arrêté Licence va être modifié. La licence se réduirait aux seuls 180 crédits ECTS et pourrait être obtenue en huit semestres (quatre ans), c’est-à-dire imposée dès l’entrée en L1. Si l’objectif était de lutter contre le redoublement, le voilà imposé dès l’arrivée à l’université. En outre, les crédits d’une UE pourraient être étalés sur plusieurs semestres… Enfin, chaque université aurait à proposer un seul parcours de mise à niveau (non disciplinaire donc). Si celui est intégré à l’offre de formation – il serait alors financé –, il donnerait lieu à crédits ECTS, donc à une licence comportant moins de disciplinaire, alors qu’il s’agissait d’une remise à niveau.

LES INSCRIPTIONS

Comme le parcours doit désormais être « personnalisé », l’inscription se fera à l’UE, et non plus à l’année, ni même au semestre… Ainsi, les personnels seront dans la procédure d’inscription toute l’année !

LES CAPACITÉS D’ACCUEIL

La sélection est notamment fonction de l’excès de candidatures par rapport aux capacités d’accueil. Qui définit ces dernières ? Le projet contient la formulation suivante : « Les capacités d’accueil […] sont arrêtées chaque année par l’autorité académique après proposition de l’établissement ». La Conseil d’État qui a émis un avis sur le projet a apporté la précision suivante : « Le Conseil d’État considère que cette rédaction implique nécessairement que l’autorité académique a la faculté, pour des motifs justifiés, de s’écarter de la proposition qui lui est transmise. Il estime que ces dispositions sont cohérentes avec la logique d’autonomie des Universités poursuivie par le législateur, principe qui, au demeurant, ‘n’a pas valeur constitutionnelle’ ». À terme donc, de très nombreuses filières peuvent se retrouver "en tension". Pour ne rien dire des demandes postes supplémentaires qui deviendront à jamais caduques…

Ne nous trompons pas. Ce projet ne cherche pas à améliorer la réussite étudiante.

"-" Il va accroître la charge de travail des personnels. Le conseiller du président Macron, Thierry Coulhon a, du reste, indiqué une solution parmi d’autres, faire « travailler plus les enseignant.e.s-chercheur.e.s pour mener à bien cette sélection » (AEF n°570464).
"-" Il va limiter la liberté d’orientation des étudiant.e.s, leur retirant dès l’âge de 18 ans, la possibilité de chercher son parcours, de se réorienter, de trouver la voie de l’émancipation et de la réussite.

REFUSONS DE DEVENIR LES ROUAGES D’UN PROJET DE SOCIETE QUI N’EST PAS LE NÔTRE !
LA SÉLECTION, S’Y OPPOSER C’EST L’AFFAIRE DE TOUS ET TOUTES !

EXIGEONS L’ABANDON DE CE PROJET DE LOI !

Pj : tract SNUEP