Appel pour la jeunesse populaire

 

La mort dramatique de Nahel à Nanterre a mis en lumière les tensions toujours très fortes
dans les quartiers populaires de France qui dépassent le seul cadre des violences policières
et sont liées aux injustices et discriminations subies au quotidien. Elles nécessitent une
réponse politique de court et de long terme.
Nous, signataires de cette tribune, sommes convaincu-es que l’avenir de la société se joue
dans la place qu’elle parvient à faire, notamment à toutes les jeunesses. Nous exigeons un
plan ambitieux qui permette de sortir par le haut d’une situation que les gouvernements
actuel et passés ont contribué à créer et ont laissé dégénérer.
Une grande partie de la jeunesse subit le racisme au quotidien, victime de préjugés, de
discriminations, et de violences. Un climat idéologique d’ensemble stigmatise en particulier
les musulman.es ou celles et ceux qui sont perçu.es comme tel.les et notamment les jeunes.
C’est cette situation-là qui ne peut plus durer.
Dans les quartiers populaires notamment, les rapports entre la police et la population,
particulièrement les jeunes, sont conflictuels et discriminants. Il est prouvé, par exemple,
que les jeunes hommes perçus comme arabes ou noirs ont 20 fois plus de probabilité d’être
contrôlés par la police que les autres. Nous demandons l’abrogation de la loi de 2017 sur
l’assouplissement des règles en matière d’usage des armes à feu par la police. Nous
demandons la fin de la seule réponse répressive par la police dans les quartiers. Nous nous
prononçons également pour la création d’un service dédié aux discriminations touchant la
jeunesse au sein de l’autorité administrative présidée par le Défenseur des droits. Nous
revendiquons la création d’un organisme indépendant de contrôle, en remplacement de
l’IGPN, et nous sommes favorables à la création et la promotion d’une plateforme en ligne
permettant de déposer images et vidéos de potentielles violences policières. Nous
demandons le retour des services de prévention spécialisés avec l’embauche massive
d’éducateurs et d’éducatrices de prévention (dit « de rue ») diplomé-es et formé-es pour
prévenir les conflits entre jeunes, entre les jeunes et le reste de la population, et faire de
l’accompagnement éducatif.
La relégation sociale de la jeunesse populaire est le résultat de politiques qui ont trop
souvent oublié la jeunesse et participé à sa marginalisation. Les services publics, en premier
lieu, l’Ecole, ont subi des années de suppressions d’emplois qui ont aussi touché les
établissements les plus défavorisés. Derrière les discours prétendument volontaristes, l’Education prioritaire a été démantelée dans les lycées. En collège, elle a été diluée dans
une série de mesures dans des politiques territoriales académiques qui ont mis à mal
l’ambition initiale de l’Education prioritaire. La crise économique n’a cessé de creuser les
inégalités sociales dans le pays, multipliant le nombre d’établissements qui pourraient
relever des critères sociaux de l’éducation prioritaire. Et pourtant, le chantier de la révision
et l’élargissement de la carte de l’Education prioritaire n’a même pas été entamé !
Les autres services publics ont aussi disparu des quartiers populaires alimentant un
sentiment légitime d’abandon : comment croire à l’égalité quand des quartiers se
retrouvent sans services publics ? Quand les quartiers restent enclavés faute de transports
accessibles, sans médecins, sans hôpital de proximité ? Quand le logement est
profondément dégradé dans ces quartiers, accentuant le sentiment de relégation ? Quand
l’accès à l’emploi est plus difficile pour les jeunes de ces quartiers, comme l’ont démontré
de multiples études ? Cette jeunesse se retrouve assignée à résidence sociale et
géographique : c’est un renoncement mortifère pour la démocratie ! Comment ne pas voir
qu’en assignant des jeunes à leur origine sociale, en enfermant cette jeunesse populaire
dans des destins tout tracés, s’opère alors une rupture amère et pleine de rancœurs avec les
promesses du modèle républicain ?
Les quartiers populaires ont eux aussi besoin de services publics qui permettent de créer du
lien social, de la solidarité, de la proximité, de l’égalité. Ils font du commun dans une société
et, plus particulièrement dans des quartiers qui n’en ont plus. L’espoir d’un avenir meilleur
pour la jeunesse populaire passe par un grand plan d’investissement pour l’Ecole, les
transports, le logement, l’emploi.
Les associations de proximité ont subi toutes ces dernières années les coupures de
subvention, et un contrôle de plus en plus renforcé sous prétexte du respect des principes
républicains.
Les moyens nécessaires doivent être attribués aux programmes de prévention et de lutte
contre les discriminations dans les établissements scolaires, où des agent-es formé-es
doivent servir de personnes ressources missionnées en tant que telles pour accompagner et
orienter les élèves qui en sont victimes. Par ailleurs, une évaluation et une réflexion autour
des programmes scolaires est nécessaire pour aboutir à une prise en compte satisfaisante
de l’histoire, des études et des notions liées à l’esclavage, à la colonisation, au racisme, à
l’oppression des femmes et des minorités sexuelles et aux combats divers pour l’égalité qui
s’y rapportent. Une école qui promeut l’égale dignité de tous et toutes les élèves, futur-es
citoyen-nes, à la préoccupation constante de garantir que ses contenus d’enseignement ne
comportent ni oublis ni angles morts sur ces questions et transmettent des savoirs utiles à
la compréhension des origines et des mécanismes de discriminations pour contribuer
efficacement à leur disparition à plus long terme.

Le 30 juin 2023