Respect de la loi de 1905 par les services académiques du Ministère de l’Éducation Nationale

Bordeaux, le 10 novembre 2021

Madame la Rectrice,

En septembre dernier, les organisations signataires ont pris connaissance avec consternation de la campagne d’affiches « C’est ça la laïcité » lancée par le ministère, puis du livret et des discours qui les accompagnent. Nous nous inquiétons de la définition de la laïcité qui ressort de ces publications ministérielles.

D’une part, ces affiches mettent caricaturalement en scène des enfants, mettant systématiquement en avant l’origine étrangère de l’un ou l’autre d’entre eux en paraissant impliquer l’existence d’une tension entre l’origine étrangère et le respect de la liberté de conscience. L’impression est que le ministère voit la présence d’enfants d’origine étrangère à l’école comme une source de problèmes. Il s’agit d’un déplacement du concept de la laïcité vers des stéréotypes ethniques aux antipodes de son objet réel. Ces affiches sont à l’opposé du véritable principe républicain de laïcité, fondée sur le respect de la liberté de conscience et l’égalité des droits. Nous y voyons une volonté d’entretenir une confusion délétère entre le principe de laïcité et des questions de diversité ethnico-religieuses sans rapport avec la loi de 1905.

Par ailleurs, le ministre brille par sa complaisance envers l’enseignement privé confessionnel sous contrat, et par sa proximité avec les lobbys engagés pour le chèque éducation. La mise en œuvre de la scolarité obligatoire dès 3 ans représente ainsi un cadeau financier supplémentaire à l’école privée confessionnelle dans le cadre de la loi Debré. Comment prendre au sérieux ces revendications outrancières de laïcité dans de telles conditions ?

Le ministère se prévaut d’une conception de la laïcité coupée de son histoire, tout en se revendiquant du droit et des principes constitutionnels. Mais cette vision est contredite par la loi de 1905 et par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui fonde le bloc de constitutionnalité en matière de libertés publiques. Faut-il comprendre qu’une réforme législative ou constitutionnelle touchant à la liberté de conscience dans les services publics est à l’ordre du jour ? Comment cette conception s’articule-t-elle avec la loi dite séparatisme, qui participe de la même orientation ?

Parallèlement, le ministère, aiguillonné par le rapport Obin, entend lancer un plan de formation de mille formateurs aux questions dites de laïcité et de valeurs de la République. Quelle acception faut-il donner à ces termes dans le contexte actuel ? Jusqu’à présent, ces formations étaient assurées par enseignant·es au contact du terrain dans les INSPÉ. S’agit-il de remplacer les enseignantes et enseignants de terrain par d’autres fonctionnaires choisi·es pour leur proximité idéologique avec le ministre ?

Cette volonté de mise au pas, au détriment de la liberté de conscience des fonctionnaires, revêt une dimension particulièrement préoccupante au vu des dernières déclarations du ministre, qui appelle au signalement des enseignant·es réfractaires et fait planer sur elles et eux une menace de licenciement. Comment ces menaces sont-elles censées s’inscrire dans le droit de la fonction publique? Faut-il les mettre en rapport avec les récents propos du Président de la République promouvant le recrutement des enseignants par les chefs d’établissement? Voire avec la baisse régulière du nombre de postes de fonctionnaires mis au concours et qui bénéficient d’une protection statutaire?

Les signataires s’opposent à ce dévoiement et à l’entreprise anti-républicaine et anti-laïque du Ministre et se tiennent à votre disposition pour entendre et rendre publiques vos réponses aux questions posées ci-dessus.

 

Les signataires, par ordre alphabétique :

Fédération de Gironde de la Libre-Pensée

Fédération Syndicale Unitaire de la Gironde

Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples – Gironde

Syndicat National de l’Éducation Physique – FSU de Bordeaux